La justice européenne donne raison au comité français du vin de Champagne qui contestait l’usage du terme « Champanillo » par un exploitant espagnol de bars à tapas

5 octobre 2021

A l’origine de cette affaire : un exploitant de bar à tapas qui, pour désigner sa chaine de restaurants et les promouvoir sur les réseaux sociaux utilisait le terme « Champanillo » (« petit champagne » en espagnol). Ses publicités représentaient deux coupes remplies d’une boisson mousseuse qui s’entrechoquent.

Estimant que ces agissements portaient atteinte à l’AOP « Champagne », le Comité interprofessionnel du vin de champagne (CIVC), qui défend bravement les intérêts des opérateurs relevant de cette appellation, avait saisi les juridictions espagnoles.

Pour sa défense, la société poursuivie opposait que l’utilisation de ce signe en tant que nom commercial d’établissements destinés à la restauration n’entraîne aucun risque de confusion avec les produits couverts par l’AOP « Champagne » et n’avoir aucune intention d’exploiter la réputation de ladite AOP.

Débouté en première instance, le CIVC a saisi la cour provinciale de Barcelone qui a posé quatre questions préjudicielles à la CJUE sur l’interprétation de l’article 103, paragraphe 2, sous b) du règlement (UE) n°1308/2013.

La CJUE y répond en trois temps, en examinant ensemble les deuxième et troisième questions :

1) Sur la question de savoir si le champ de protection d’une AOP permet de la protéger non seulement vis-à-vis de produits similaires, mais également vis-à-vis de services qui pourraient être liés à la distribution directe ou indirecte de ces produits, la CJUE rappelle que, selon cet article, une AOP doit être protégée contre toute usurpation, imitation ou évocation, même si l’origine véritable du produit « ou du service » est indiquée.

Pour la Cour, la réglementation européenne instaure une protection très large qui a vocation à s’étendre à toute utilisation visant à profiter de la réputation associée aux produits bénéficiant d’une AOP.

Il s’ensuit que, si seuls les produits peuvent bénéficier d’une AOP, le champ d’application de la protection conférée par cette dénomination couvre toute utilisation de celle-ci par des produits ou des services.

2) Sur la question de savoir si l’article susvisé doit être interprété en ce sens que l’« évocation » visée à cette disposition, d’une part, exige, à titre de condition préalable, que le produit bénéficiant d’une AOP et le produit ou le service couvert par le signe litigieux soient identiques ou similaires et, d’autre part, doit être déterminée par le recours à des facteurs objectifs afin d’établir une incidence significative sur un consommateur moyen, la Cour de justice retient, là encore, une interprétation large.

Pour la Cour, la notion d’« évocation » peut intervenir (i) lorsque le signe utilisé pour désigner un produit incorpore une partie d’une AOP, (ii) lorsque, s’agissant de produits d’apparence analogue, il existe une parenté phonétique et visuelle entre l’AOP et le signe contesté et enfin (iii) peut résulter d’une « proximité conceptuelle » entre la dénomination protégée et le signe en cause.

3) Sur la question de savoir si la notion d’« évocation » doit être subordonnée à l’existence d’un acte de concurrence déloyale, la Cour de justice répond que la mise en œuvre du régime de protection d’une AOP « n’est pas subordonnée à la constatation de l’existence d’un acte de concurrence déloyale, dès lors que cette disposition institue une protection spécifique et propre qui s’applique indépendamment des dispositions de droit national relatives à la concurrence déloyale ».

Céline Cuvelier / Emma Vincent

Sources : CJUE, 9 septembre 2021, C-783/19, EU:C:2021:713, Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne/GB https://eur-lex.europa.eu/legal content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:62019CJ0783&from=fr

Partager cet article :