Une marque annulée pour non-usage demeure opposable pour voir sanctionner des actes de contrefaçon

14 janvier 2021

Par décision du 4 novembre 2020, la Cour de cassation a reconnu que le titulaire d’une marque déchue pour non-usage peut agir en contrefaçon pour les actes antérieurs à la date de prise d’effet de la déchéance sous réserve d’en rapporter la preuve.

Dans cette affaire, Monsieur B., le titulaire de la marque française semi-figurative « Saint Germain » déposée et enregistrée le 5 décembre 2005 pour désigner en classes 30, 32 et 33 notamment des « boissons alcooliques », avait assigné en 2012 pour contrefaçon de marque trois sociétés qui commercialisaient de la liqueur de sureau sous la dénomination « St-Germain ».

Or dans un autre contentieux initié parallèlement, la marque en question avait été annulée pour défaut d’usage avec une date de prise d’effet au 13 mai 2011.

Monsieur B., qui n’entendait pas renoncer à son action en contrefaçon, a maintenu ses demandes pour la période non couverte par la prescription et antérieure à la déchéance, soit entre le 8 juin 2009 et le 13 mai 2011, période au cours de laquelle il était en mesure de justifier de la commercialisation des produits litigieux par les sociétés poursuivies.

Débouté par le Tribunal, Monsieur B. a diligenté appel devant la Cour d’appel de Paris qui a confirmé la décision des premiers juges en relevant que les éléments de preuves dont se prévalait le requérant n’étaient pas suffisants pour démontrer que la marque Saint Germain avait été réellement exploitée, de sorte qu’il ne pouvait utilement arguer d’une atteinte à la fonction de garantie d’origine de cette marque, ni se prévaloir d’une atteinte portée au monopole d’exploitation conféré par sa marque, pas plus que d’une atteinte à la fonction d’investissement de celle-ci. Par ailleurs, la Cour d’appel, constatant qu’à l’exception d’une seule pièce, les autres usages étaient intervenus après le 13 mai 2011, il n’y avait pas d’actes de contrefaçon condamnables.

L’affaire est portée devant la Cour de cassation qui sursoit à statuer et demande en substance à la CJUE si le titulaire d’une marque, qui ne l’a jamais exploitée et a été déclaré déchu de ses droits sur celle-ci pour défaut d’usage sérieux à l’expiration du délai de cinq ans suivant la publication de son enregistrement, peut agir en contrefaçon et demander l’indemnisation du préjudice qu’il aurait subi en raison de l’utilisation par un tiers, antérieurement à la date de prise d’effet de la déchéance, d’un signe similaire pour des produits ou services identiques ou similaires prêtant à confusion avec sa marque.

La CJUE, par un arrêt du 26 mars 2020 (AR c. Cooper international Spirits e. a., aff. C-622/18), relève que le législateur français a fait le choix de faire produire les effets de la déchéance d’une marque pour non-usage à compter de l’expiration d’un délai de cinq ans suivant son enregistrement. La législation française maintient en conséquence la possibilité pour le titulaire de la marque concernée de se prévaloir, après l’expiration du délai de grâce, des atteintes portées, au cours de ce délai, au droit exclusif conféré par la marque, même si le titulaire a été déchu de ses droits sur celle-ci. Il conserve pareillement la possibilité de solliciter l’indemnisation du préjudice occasionné par lesdits faits.

La Cour de cassation fait application de ces principes en admettant dans sa décision du 4 novembre 2020 qu’à partir du moment où la déchéance d’une marque, prononcée en application de l’article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle, ne produit effet qu’à l’expiration d’une période interrompue de cinq ans sans usage sérieux, son titulaire est en droit de se prévaloir de l’atteinte portée à ses droits sur la marque qu’ont pu lui causer les actes de contrefaçon intervenus avant sa déchéance.

La juridiction suprême estime également que les pièces produites aux débats par Monsieur B. attestaient de la vente de bouteilles d’alcool sous la dénomination contestée de sorte que l’atteinte portée à l’une des fonctions essentielles de sa marque (en l’occurrence d’identification) était bien constituée.

Reste à savoir ce que la Cour d’appel de renvoi décidera d’allouer en guise de réparation du préjudice occasionné.

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